Le 17 décembre 1999 est passé sans que je m'en n'aperçoive et j'ai été assez content d'avoir des nouvelles des uns et de savoir ce que faisait les autres - que ceux qui ont écrit en soient remerciés. Je regrette de ne plus lire la prose d'Olivier Caslot, lui qui savait, dans un style superbe, nous faire partager son expérience en DDE et qui nous a quitté si vite. Les lettres sont également lues par les élèves de deuxième année qui glanent des informations sur les entreprises pour lesquelles ils postulent. Pour les ingénieurs-élèves hors de France qui auraient raté les réunions métiers IPC, j'ai mis sur le Net quelques compte-rendus de ces réunions (cf. l'URL à la fin de cette lettre), vos contributions étant bienvenues. Voilà ce qui m'a motivé pour donner quelques nouvelles en cours d'année.
Dalkia
Le 28 juin 1999, j'ai débuté mon stage long au siège
de Dalkia, filiale de Vivendi spécialisée dans les services
énergétiques tant aux collectivités locales et au
secteur tertiaire (90% CA) qu'aux industriels (10% CA). Le choix de ce
stage avait été orienté par la recherche d'un stage
dans un secteur touché par la dérégulation du marché
électrique et dans une grande entreprise. Je dois dire que j'y ai
facilement perçu la dimension "grande entreprise" mais que je n'ai
pas été aussi impliqué que je l'aurais souhaité
par la dérégulation et ses conséquences pour une entreprise
de services comme Dalkia.
Plaçons déjà Dalkia dans la galaxie Vivendi (plus
de 3000 filiales et 250 000 personnes). Vivendi s'oriente depuis début
2000 autour de deux axes : la communication (Canal+, AOL, l'Express, Havas,
Cegetel, ...) et l'environnement (Générale des eaux, CGEA-Onyx,
Connex [ex-CGEA Transport] et Dalkia). Le pôle environnement représente,
en chiffre d'affaires ou en contribution, beaucoup plus que le pôle
communication, mais offre, a priori, des perspectives de croissance moindre.
Dalkia comporte environ 200 filiales et emploie 18 000 personnes, dont
10 000 en France. L'effectif France hors filiales est de 6 000 personnes
constitué essentiellement de personnels techniques. L'histoire de
Dalkia débute par celle de la compagnie générale de
chauffe, créée avant la Seconde guerre mondiale pour répondre
aux besoins énergétiques de l'hôpital de Lille. Depuis
l'entreprise s'est constituée un coeur de métier autour des
réseaux de chaleur des collectivités locales, des groupes
électrogènes pour les hôpitaux et des utilités
énergétiques (air comprimé, vapeur, électricité,
...) pour les industriels.
Le sujet de stage
Mon directeur de stage, directeur industrie France, et moi avions défini
le sujet de stage autour de deux axes : l'aide aux développeurs
commerciaux et la participation à la définition de l'offre
dans le marché dérégulé. À mon grand
regret, j'ai surtout été sollicité pour mettre à
jour les références client et suivre plus particulièrement
les grands groupes industriels. À aucun moment je n'ai été
associé à la définition d'offres commerciales et,
en me donnant suffisamment à faire sur les références,
je n'ai guère pu me consacrer à d'autres sujets. J'ai cependant
été associé à la définition précise
du cahier des charges de la nouvelle application commerciale utilisée
essentiellement à des fins financières : plan de développement
et de prospection, budget et objectif commercial. J'ai participé
également à quelques notes de veille stratégique sur
le développement des offres de services énergétiques
dans les pays avec un marché électrique déjà
dérégulé (à propos du terme dérégulé,
on m'a fait remarquer que la dérégulation en France coïncidait
avec un accroissement des textes réglementant ce secteur). Le stage
a été aussi l'occasion pour moi de visiter des sites d'exploitation
de Dalkia et de comprendre ou de voir les installations tourner. La participation
à quelques colloques ou séminaires, grâce à
des contacts noués au siège, m'a apporté une meilleure
vision des services que pouvaient proposer Dalkia et ses concurrents. Depuis
cette semaine et pendant trois mois, je serai associé de manière
étroite à une étude visant à repenser le système
d'informations de l'entreprise. Cette nouvelle perspective m'enchante plus
que les semaines où je courais après les contrats de tel
ou tel secteur d'activité. Dalkia, précurseur en son temps
d'une gestion informatique centralisée, semble - comme beaucoup
d'entreprises - un peu dépassée par le rythme de la dernière
décennie. La notion d'Intranet n'existe que depuis mai 1999 et n'est
pas encore un réflexe quotidien, loin de là. Le décalage
inter-générationnel vis-à-vis des outils comme les
forums ou le Web est flagrant. Seul le mél - quand son impression
n'est pas systématique pour nombre de "chefs" - est bien maîtrisé.
Une grande entreprise : centralisation et décentralisation
Même en se limitant à l'effectif de la société
mère en France (6 000 personnes), l'entreprise garde une grande
taille. Elle est structurée en 8 régions de tailles inégales
et qui ont une importante autonomie et d'un siège bicéphale.
Le siège social est implanté au nord de Lille, siège
historique de la compagnie générale de chauffe tandis que
la direction générale est à la Défense, non
loin des tours jumelles de la Société générale
(à gauche de la Grande arche si vous regardez depuis Paris). Le
siège de Lille rassemble le service informatique, le service central
de facturation et le service des ressources humaines ; toutes les autres
directions étant à Paris.
Pendant mon stage j'ai découvert les limites d'une décentralisation
jugée trop ou pas assez importante. Ainsi les outils d'information
sont centralisés (une seule architecture) mais sans procédure
centralisée de contrôle et de suivi. Les régions, voire
des niveaux géographiques encore plus petits, les utilisent de manière
différente. Cela rend plus difficile les analyses nationales qu'effectue
le siège, et que maintes fois j'ai dû réaliser. Les
régions souhaiteraient aussi avoir des outils plus souples et chaque
directeur régional a son idée pour en développer de
nouveaux. Elles décrient donc le cadre unique imposé par
le siège. Sans doute le siège n'a-t-il pas réussi
à clairement affirmer sa place en laissant trop d'initiatives aux
régions sans leur apporter le dynamisme qu'elles attendent. Tâche
bien difficile souvent reportée.
Les enjeux de pouvoir au sein du siège
Le siège d'une entreprise regroupe dans un espace confiné
un grand nombre de directeurs et donc d'importants enjeux de pouvoir. La
quotidien est émaillé par les "bruits de couloir" sur le
positionnement de tel ou tel directeur, sur l'imminence du départ
d'un autre, sur les relations inter-directeurs. Quel que soit la part que
l'on prend au jeu des luttes de pouvoir, nécessité est de
ne pas les ignorer. On vous demande parfois de ne pas faire de zèle
pour aider une personne qui appartient à une direction "concurrente".
Ou bien vous sentez qu'un projet a moins de chances d'aboutir car il met
en jeu des personnes de plusieurs directions. L'organigramme du siège
se révèle plein de surprises surtout par la règle
que j'appelle "règle des doublons": des personnes de directions
différentes occupent - sur le papier - les mêmes fonctions.
Sans doute est-ce une précaution similaire à la redondance
en informatique : on double un circuit pour pallier la défaillance
d'un composant. Tout ceci est bien sûr décrié par le
"terrain" - par opposition au siège - qui dénonce les frais
de structure occasionnés.
Sur ce thème, je vous livre une blague sur les sièges
des grandes entreprises en vous laissant le soin de l'adapter à
votre situation.
Deux frères lions perdus au milieu d'un désert décident d'unir leurs forces pour survivre. Ils décident de partir chacun de leur côté à la recherche de nourriture en se donnant rendez-vous une semaine après pour partager leur expérience. Une semaine après les deux lions se retrouvent : l'un est tout maigre alors que l'autre est bien portant. Le premier demande au second son secret. Celui-ci lui répond : tout droit dans cette direction, tu trouveras Dalkia. Tu restes à l'extérieur du siège et tu manges les personnes les plus dodues, ce sont les directeurs. Il y en a tellement que personne ne remarquera la disparition de quelques directeurs. Le premier lion décide d'aller se ressourcer chez Dalkia tandis que le second part vers d'autres horizons. Une semaine après, les deux lions se retrouvent. Le plus maigre est encore plus maigre. Le bien portant, étonné, l'interroge. Le maigre lui répond en ces termes : "chez Dalkia, ce n'est plus comme avant, maintenant les directeurs se mangent entre eux".
Je vous laisse le soin de méditer cet adage.
Mes coordonnées sont les suivantes :
Tél : +33 1 71 00 71 42 (jusqu'au 21 juillet 2000)
Mél : bertrand.web@singly.org
Web : http://singly.org/ et la rubrique ENPC sur http://www.singly.org/enpc/
Je signale aux X (par exemple à Erwan Le Bris, à qui je
voulais envoyer un beau document sur sa chère Bretagne et l'Erika,
mais qui n'est pas inscrit sur le site) l'existence du site http://www.polytechnique.org/
qui permet de retrouver les infos sur les camarades connectés à
l'Internet et surtout d'avoir une adresse mél "à vie" sur
le format prenom.nom@polytechnique.org. J'ai contacté l'AIPC (il
faudrait faire de même avec l'AAENPC) pour leur suggérer une
idée analogue ouverte à tous les anciens élèves
de l'ENPC. Si vous pensez que c'est une bonne idée, n'hésitez
pas à leur en parler.
Bonne fin de stage à tous, bien cordialement,
Bertrand de Singly