Bertrand de Singly PC2000
Stage long chez Dalkia (filiale de Vivendi environnement)
À Paris, le samedi 15 avril 2000
Chères et chers camarades,

Le 17 décembre 1999 est passé sans que je m'en n'aperçoive et j'ai été assez content d'avoir des nouvelles des uns et de savoir ce que faisait les autres - que ceux qui ont écrit en soient remerciés. Je regrette de ne plus lire la prose d'Olivier Caslot, lui qui savait, dans un style superbe, nous faire partager son expérience en DDE et qui nous a quitté si vite. Les lettres sont également lues par les élèves de deuxième année qui glanent des informations sur les entreprises pour lesquelles ils postulent. Pour les ingénieurs-élèves hors de France qui auraient raté les réunions métiers IPC, j'ai mis sur le Net quelques compte-rendus de ces réunions (cf. l'URL à la fin de cette lettre), vos contributions étant bienvenues. Voilà ce qui m'a motivé pour donner quelques nouvelles en cours d'année.

Dalkia
Le 28 juin 1999, j'ai débuté mon stage long au siège de Dalkia, filiale de Vivendi spécialisée dans les services énergétiques tant aux collectivités locales et au secteur tertiaire (90% CA) qu'aux industriels (10% CA). Le choix de ce stage avait été orienté par la recherche d'un stage dans un secteur touché par la dérégulation du marché électrique et dans une grande entreprise. Je dois dire que j'y ai facilement perçu la dimension "grande entreprise" mais que je n'ai pas été aussi impliqué que je l'aurais souhaité par la dérégulation et ses conséquences pour une entreprise de services comme Dalkia.
Plaçons déjà Dalkia dans la galaxie Vivendi (plus de 3000 filiales et 250 000 personnes). Vivendi s'oriente depuis début 2000 autour de deux axes : la communication (Canal+, AOL, l'Express, Havas, Cegetel, ...) et l'environnement (Générale des eaux, CGEA-Onyx, Connex [ex-CGEA Transport] et Dalkia). Le pôle environnement représente, en chiffre d'affaires ou en contribution, beaucoup plus que le pôle communication, mais offre, a priori, des perspectives de croissance moindre. Dalkia comporte environ 200 filiales et emploie 18 000 personnes, dont 10 000 en France. L'effectif France hors filiales est de 6 000 personnes constitué essentiellement de personnels techniques. L'histoire de Dalkia débute par celle de la compagnie générale de chauffe, créée avant la Seconde guerre mondiale pour répondre aux besoins énergétiques de l'hôpital de Lille. Depuis l'entreprise s'est constituée un coeur de métier autour des réseaux de chaleur des collectivités locales, des groupes électrogènes pour les hôpitaux et des utilités énergétiques (air comprimé, vapeur, électricité, ...) pour les industriels.

Le sujet de stage
Mon directeur de stage, directeur industrie France, et moi avions défini le sujet de stage autour de deux axes : l'aide aux développeurs commerciaux et la participation à la définition de l'offre dans le marché dérégulé. À mon grand regret, j'ai surtout été sollicité pour mettre à jour les références client et suivre plus particulièrement les grands groupes industriels. À aucun moment je n'ai été associé à la définition d'offres commerciales et, en me donnant suffisamment à faire sur les références, je n'ai guère pu me consacrer à d'autres sujets. J'ai cependant été associé à la définition précise du cahier des charges de la nouvelle application commerciale utilisée essentiellement à des fins financières : plan de développement et de prospection, budget et objectif commercial. J'ai participé également à quelques notes de veille stratégique sur le développement des offres de services énergétiques dans les pays avec un marché électrique déjà dérégulé (à propos du terme dérégulé, on m'a fait remarquer que la dérégulation en France coïncidait avec un accroissement des textes réglementant ce secteur). Le stage a été aussi l'occasion pour moi de visiter des sites d'exploitation de Dalkia et de comprendre ou de voir les installations tourner. La participation à quelques colloques ou séminaires, grâce à des contacts noués au siège, m'a apporté une meilleure vision des services que pouvaient proposer Dalkia et ses concurrents. Depuis cette semaine et pendant trois mois, je serai associé de manière étroite à une étude visant à repenser le système d'informations de l'entreprise. Cette nouvelle perspective m'enchante plus que les semaines où je courais après les contrats de tel ou tel secteur d'activité. Dalkia, précurseur en son temps d'une gestion informatique centralisée, semble - comme beaucoup d'entreprises - un peu dépassée par le rythme de la dernière décennie. La notion d'Intranet n'existe que depuis mai 1999 et n'est pas encore un réflexe quotidien, loin de là. Le décalage inter-générationnel vis-à-vis des outils comme les forums ou le Web est flagrant. Seul le mél - quand son impression n'est pas systématique pour nombre de "chefs" - est bien maîtrisé.

Une grande entreprise : centralisation et décentralisation
Même en se limitant à l'effectif de la société mère en France (6 000 personnes), l'entreprise garde une grande taille. Elle est structurée en 8 régions de tailles inégales et qui ont une importante autonomie et d'un siège bicéphale. Le siège social est implanté au nord de Lille, siège historique de la compagnie générale de chauffe tandis que la direction générale est à la Défense, non loin des tours jumelles de la Société générale (à gauche de la Grande arche si vous regardez depuis Paris). Le siège de Lille rassemble le service informatique, le service central de facturation et le service des ressources humaines ; toutes les autres directions étant à Paris.
Pendant mon stage j'ai découvert les limites d'une décentralisation jugée trop ou pas assez importante. Ainsi les outils d'information sont centralisés (une seule architecture) mais sans procédure centralisée de contrôle et de suivi. Les régions, voire des niveaux géographiques encore plus petits, les utilisent de manière différente. Cela rend plus difficile les analyses nationales qu'effectue le siège, et que maintes fois j'ai dû réaliser. Les régions souhaiteraient aussi avoir des outils plus souples et chaque directeur régional a son idée pour en développer de nouveaux. Elles décrient donc le cadre unique imposé par le siège. Sans doute le siège n'a-t-il pas réussi à clairement affirmer sa place en laissant trop d'initiatives aux régions sans leur apporter le dynamisme qu'elles attendent. Tâche bien difficile souvent reportée.

Les enjeux de pouvoir au sein du siège
Le siège d'une entreprise regroupe dans un espace confiné un grand nombre de directeurs et donc d'importants enjeux de pouvoir. La quotidien est émaillé par les "bruits de couloir" sur le positionnement de tel ou tel directeur, sur l'imminence du départ d'un autre, sur les relations inter-directeurs. Quel que soit la part que l'on prend au jeu des luttes de pouvoir, nécessité est de ne pas les ignorer. On vous demande parfois de ne pas faire de zèle pour aider une personne qui appartient à une direction "concurrente". Ou bien vous sentez qu'un projet a moins de chances d'aboutir car il met en jeu des personnes de plusieurs directions. L'organigramme du siège se révèle plein de surprises surtout par la règle que j'appelle "règle des doublons": des personnes de directions différentes occupent - sur le papier - les mêmes fonctions. Sans doute est-ce une précaution similaire à la redondance en informatique : on double un circuit pour pallier la défaillance d'un composant. Tout ceci est bien sûr décrié par le "terrain" - par opposition au siège - qui dénonce les frais de structure occasionnés.
Sur ce thème, je vous livre une blague sur les sièges des grandes entreprises en vous laissant le soin de l'adapter à votre situation.

Deux frères lions perdus au milieu d'un désert décident d'unir leurs forces pour survivre. Ils décident de partir chacun de leur côté à la recherche de nourriture en se donnant rendez-vous une semaine après pour partager leur expérience. Une semaine après les deux lions se retrouvent : l'un est tout maigre alors que l'autre est bien portant. Le premier demande au second son secret. Celui-ci lui répond : tout droit dans cette direction, tu trouveras Dalkia. Tu restes à l'extérieur du siège et tu manges les personnes les plus dodues, ce sont les directeurs. Il y en a tellement que personne ne remarquera la disparition de quelques directeurs. Le premier lion décide d'aller se ressourcer chez Dalkia tandis que le second part vers d'autres horizons. Une semaine après, les deux lions se retrouvent. Le plus maigre est encore plus maigre. Le bien portant, étonné, l'interroge. Le maigre lui répond en ces termes : "chez Dalkia, ce n'est plus comme avant, maintenant les directeurs se mangent entre eux".
Je vous laisse le soin de méditer cet adage.


Mes coordonnées sont les suivantes :
Tél : +33 1 71 00 71 42 (jusqu'au 21 juillet 2000)
Mél : bertrand.web@singly.org
Web : http://singly.org/ et la rubrique ENPC sur http://www.singly.org/enpc/

Je signale aux X (par exemple à Erwan Le Bris, à qui je voulais envoyer un beau document sur sa chère Bretagne et l'Erika, mais qui n'est pas inscrit sur le site) l'existence du site http://www.polytechnique.org/ qui permet de retrouver les infos sur les camarades connectés à l'Internet et surtout d'avoir une adresse mél "à vie" sur le format prenom.nom@polytechnique.org. J'ai contacté l'AIPC (il faudrait faire de même avec l'AAENPC) pour leur suggérer une idée analogue ouverte à tous les anciens élèves de l'ENPC. Si vous pensez que c'est une bonne idée, n'hésitez pas à leur en parler.
 

Bonne fin de stage à tous, bien cordialement,
 

Bertrand de Singly